L’ERS (Energy Recovery System) est un système qui récupère l’énergie normalement perdue au freinage et à l’échappement pour la transformer en un boost de 160 chevaux supplémentaires, utilisable stratégiquement en course. Nous allons vous expliquer comment fonctionne cette technologie qui a révolutionné la F1 depuis 2014 :
- Les composants techniques qui constituent l’ERS
- Son fonctionnement précis pendant les courses
- Les stratégies qu’il permet de déployer
- Son impact sur l’automobile de demain
Décortiquons ensemble cette mécanique fascinante qui transforme chaque freinage en opportunité de dépassement.
Qu’est-ce que l’ERS en F1 ?
L’ERS désigne le système de récupération d’énergie qui équipe les monoplaces de Formule 1 depuis 2014. Son ancêtre, le KERS, ne récupérait que l’énergie cinétique du freinage dès 2009. L’ERS moderne va plus loin en captant aussi l’énergie thermique des gaz d’échappement, doublant ainsi les sources de récupération.
Concrètement, ce système transforme ce qui était autrefois gaspillé en chaleur et friction en électricité réutilisable. Le gain ? Jusqu’à 160 chevaux additionnels que le pilote peut déclencher au moment opportun. Cette puissance supplémentaire réduit la consommation de carburant tout en améliorant les performances globales de la voiture.
Les composants du système ERS (MGU-K, MGU-H, batterie)
Le système ERS repose sur trois éléments clés qui travaillent en tandem. Le MGU-K (Motor Generator Unit – Kinetic) se fixe au vilebrequin et joue le rôle d’alternateur inversible. Lors des freinages, il convertit l’énergie cinétique en électricité, agissant comme un frein moteur tout en produisant du courant.
Le MGU-H (Motor Generator Unit – Heat) représente la vraie innovation de 2014. Installé sur l’arbre du turbo, il capte la chaleur des gaz d’échappement pour produire de l’électricité. Bonus appréciable : il peut aussi alimenter directement le turbo pour éliminer le fameux “turbo lag” et améliorer la réactivité du moteur.
La batterie, baptisée Energy Store, stocke toute cette électricité récupérée. Sa capacité est limitée par le règlement, ce qui oblige pilotes et ingénieurs à gérer finement quand décharger cette énergie précieuse. C’est un peu comme un réservoir d’adrénaline qu’il faut savoir doser.
Comment fonctionne l’ERS pendant une course de F1
En piste, l’ERS fonctionne selon un cycle permanent de récupération et de déploiement. Chaque fois que le pilote freine, le MGU-K transforme instantanément l’énergie cinétique en électricité. Pendant ce temps, le MGU-H travaille en continu, surtout efficace quand le moteur tourne à haut régime et produit beaucoup de chaleur.
Cette énergie stockée dans la batterie attend le feu vert du pilote. Via des modes programmés par l’équipe, il peut libérer ce boost électrique pour ajouter 160 chevaux à la puissance thermique. Sur un circuit comme Monza, ce surplus fait toute la différence dans la ligne droite de 1,2 km où les vitesses dépassent 340 km/h.
La gestion demande une concentration permanente : anticiper les phases de récupération dans les épingles serrées et déclencher le boost au bon moment pour doubler ou défendre sa position.
Règles et limites de la FIA sur l’ERS en Formule 1
La FIA encadre strictement l’ERS pour maintenir l’équité entre équipes. Premier plafond : 2 mégajoules (MJ) d’énergie déployables par tour, soit environ 33 secondes à pleine puissance. La récupération via le MGU-K est également limitée à 2 MJ par tour, tandis que le MGU-H reste libre.
La puissance maximale est bornée à 120 kilowatts (160 chevaux environ). Cette limite empêche les grosses écuries de creuser un écart démesuré grâce à des systèmes surpuissants. Le règlement impose aussi un quota de composants ERS par saison : chaque dépassement entraîne des pénalités sur la grille, forçant les équipes à privilégier la fiabilité.
Stratégies d’utilisation de l’ERS : attaque, défense, économie
Les équipes ont développé plusieurs modes d’utilisation selon les besoins. Le mode attaque déploie massivement l’énergie pour réaliser des dépassements, particulièrement redoutable en fin de ligne droite où chaque km/h compte. Nous recommandons cette approche quand l’écart avec le concurrent est inférieur à une seconde.
Le mode défense utilise l’ERS pour contrer les attaques, maintenant sa position grâce à une accélération supérieure en sortie de virage. Le mode qualification privilégie la performance pure pour établir le meilleur temps possible, sans économiser.
Le mode récolte inverse la logique : le pilote stocke au maximum pour préparer une attaque ultérieure ou compenser un déficit de batterie. Enfin, le mode neutre équilibre récupération et déploiement, idéal pour gérer une course de 300 km sans surprises.
Impact de l’ERS sur les performances des pilotes et des équipes
L’ERS a transformé le métier de pilote de F1. Ils doivent désormais jongler avec une variable supplémentaire : quand utiliser ou économiser l’énergie, comment adapter cette gestion selon la stratégie carburant et l’usure des pneus. Un pilote expérimenté comme Lewis Hamilton peut gagner plusieurs dixièmes par tour grâce à une gestion optimale.
Côté équipes, l’ERS complexifie la conception des monoplaces. Il faut intégrer des composants lourds (environ 25 kg pour l’ensemble), gérer leur refroidissement et optimiser leur placement pour préserver l’équilibre de la voiture. Les ingénieurs développent des stratégies globales où l’ERS s’articule avec les arrêts aux stands et le management des pneumatiques.
Avantages et inconvénients du système ERS en F1
L’ERS présente des atouts indéniables. Il offre un surplus de puissance stratégique, réduit la consommation de carburant d’environ 35% par rapport à l’ère des V8 atmosphériques, et améliore l’efficacité énergétique globale. Les courses deviennent plus spectaculaires avec des dépassements facilités par le boost électrique.
Revers de la médaille : la complexité technique explose. Les pannes d’ERS peuvent ruiner une course, comme l’a vécu Max Verstappen à Bahreïn en 2018. La fiabilité reste un défi permanent. Le quota de composants par saison limite aussi les possibilités, obligeant certaines équipes à rouler avec du matériel usagé en fin de championnat.
L’évolution de l’ERS : du KERS à la F1 moderne
L’histoire commence en 2009 avec le KERS, système basique récupérant uniquement l’énergie au freinage. Il offrait 80 chevaux pendant 6,6 secondes par tour. Après une période d’abandon, la F1 a franchi un cap en 2014 avec l’ERS actuel, intégrant le MGU-H et doublant la puissance disponible.
Cette évolution s’inscrit dans la volonté de la FIA de rendre la F1 plus pertinente technologiquement. Les constructeurs y voient un laboratoire pour développer des technologies transférables aux voitures de série. Mercedes, par exemple, a capitalisé sur son avance en ERS pour dominer de 2014 à 2020.
L’avenir de l’ERS et son influence sur l’automobile de série
L’ERS préfigure l’avenir de l’automobile. Les technologies développées en F1 se retrouvent progressivement sur nos routes : les hybrides rechargeables comme la Mercedes-AMG ONE utilisent des principes similaires, tandis que les systèmes de récupération au freinage équipent désormais la plupart des véhicules électriques et hybrides.
À partir de 2026, la F1 abandonnera le MGU-H au profit d’un ERS simplifié mais plus puissant, avec une part d’électricité passant de 20% à 50% de la puissance totale. Cette transition accompagne l’électrification massive du secteur automobile et prouve que le sport automobile reste un formidable accélérateur d’innovation. Même dans les jeux vidéo comme F1 2024, l’ERS est simulé pour reproduire fidèlement cette gestion stratégique qui fait toute la saveur des courses modernes.